Pourquoi étudier un océan si lointain que l’Océan Austral ?
L’Océan Austral est le plus redouté des marins et il est probablement l’océan le moins accessible.Trop loin des côtes, trop violent, trop vaste, il s'est peu prêté aux expéditions scientifiques et, malgré l’avent des observations satellitaires et une augmentation des campagnes scientifiques depuis les années ’90, il reste méconnu. Et pourtant, l’océan Austral occupe un rôle primordial dans le système climatique terrestre.
Cet océan entoure un continent « assis » sur le pôle Sud. Sa géométrie est très particulière, il s’agit d’un vaste océan annulaire autour du continent Antarctique. L’Océan Austral est le carrefour crucial pour les eaux de l’océan mondial car il constitue la voie de communication entre les différents bassins océaniques (Atlantique, Indien et Pacifique) et il permet de connecter des régions du globe très éloignées. Cette connexion est garantie principalement par le Courant Circumpolaire Antarctique, le courant le plus intense du monde. Ce courant gigantesque transporte d’ouest en est plus de 140 millions de mètres cubes d’eau par seconde, c’est-à-dire l’équivalent de 140 fois la quantité d’eau de tous les fleuves de la Terre toutes les secondes ! Cela permet une circulation océanique à l’échelle du globe qui influence le climat de la planète.
Pourquoi l’Océan Austral est important pour l’homme ?
L’Océan Austral est un acteur essentiel dans le système climatique.De part sa grande étendue, sa situation géographique et les conditions météorologiques extrêmes qui le caractérisent, il agit comme un tampon aux émissions humaines de gaz à effet de serre et au réchauffement climatique.
L’Océan Austral est très vaste et s’étend sur une large bande de latitudes qui font que les conditions climatiques qu’on y rencontre sont très variées : des climats tempérés subtropicaux au froid polaire. Les mouvements atmosphériques et océaniques y sont donc très intenses et turbulents, c’est pourquoi on les appelle aussi les quarantièmes rugissants et cinquantièmes hurlants. De ce fait l’Océan Austral est le siège d’échanges intenses entre l’océan et l’atmosphère.En général, le climat de notre planète dépend en grande partie de l’océan qui en est le régulateur grâce à ses échanges continuels avec l'atmosphère qu’ils soient radiatifs (énergie et eaux), mécaniques (transferts avec le vent) ou gazeux (e.g. CO2, O2). Il absorbe, stocke et transporte dans son mouvement l’énergie solaire en affectant la température et la circulation de l’atmosphère. Sa capacité à garder la chaleur est bien plus efficace que celle des continents ou de l’atmosphère. De ce fait, dans un système climatique bouleversé par l'action humaine, l'océan global a jusqu’ici joué un rôle essentiel en absorbant à lui seul plus de 90% de la chaleur due à l'augmentation des gaz à effet de serre. L’océan Austral est l’un des majeurs récepteurs de ce surplus d’énergie qu’il injecte jusqu’aux profondeurs abyssales. À cause de sa dynamique très impétueuse, des échanges air-mer très actifs et d’une activité biologique très soutenue l’Océan Austral est l’un des principaux puits de carbone planétaire. Cette capacité à soutirer le gaz carbonique de l’atmosphère, qu’il soit d’origine naturelle ou anthropique, est de toute première importance dans la mesure où elle contribue à la diminution de l’effet de serre et donc du changement climatique actuel. Ainsi, depuis plus d’un siècle, l’océan soutire chaque année environ un tiers du carbone anthropique rejeté dans l’atmosphère, en sachant que les émissions de CO2 dues aux activités humaines ont augmenté de 40 % depuis le début des années 1980. La réponse de cet océan est donc cruciale pour déterminer l’évolution future de notre climat.
Que devons-nous mieux comprendre la dynamique de l’Océan Austral?
L’Océan Austral est caractérisé par une interaction très intense avec l’atmosphèreCette interaction génère des courants particulièrement turbulents et complexes. Puisque ces phénomènes complexes influencent à leur tour la circulation générale de l’océan global, celle de l’atmosphère, l’absorption de CO2 par l’océan et, par conséquent, le climat, nous devons comprendre et quantifier les différents processus en jeu.
La géométrie particulière de l’Océan Austral (un vaste océan annulaire qui fait le tour du globe) fait que cet océan interagit continuellement, sans répit, avec l’atmosphère. Dans cette région, celle-ci est caractérisée par des conditions météorologiques extrêmes : vents très forts, variations de température exceptionnelles, présence d’un continent « assis » sur le pôle et couvert de calottes glacières. Le dialogue air-mer incessant et intense génère une circulation océanique très impétueuse et turbulente, caractérisée par des tourbillons et des jets très intenses et très variables. Ces structures tourbillonnaires interagissent très énergiquement les unes avec les autres et étendent leur influence jusqu’à des profondeurs qui peuvent dépasser les milles mètres. Les mouvements horizontaux et verticaux de ces structures transportent, injectent en profondeur et dispersent la chaleur absorbée par l’eau de la mer ainsi que le contenu en sel et les gaz dissous (tels que l’oxygène et le CO2), ce qui a un impact sur la circulation générale océanique, sur la chimie de l’océan et sur le climat de la Terre. Ces tourbillons ont aussi une conséquence importante sur la chaîne alimentaire marine. Leurs mouvements verticaux apportent en surface les éléments nutritifs en très grandes quantités. Ce qui a pour effet d’alimenter la production de phytoplancton, algues microscopiques qui sont le premier maillon de la chaîne alimentaire océanique. Du fait des échelles en jeux et des difficultés d’observation de l’Océan Austral, peu d’éléments sont connus par rapport à ces processus. Les résultats attendus de notre projet SOCLIM (lien) devraient nous permettre de faire des percées majeures dans les régimes dynamiques étudiés. Ils devraient donc être particulièrement bénéfiques aux études s‘intéressant aux évolutions futures du climat et leur impact sur la vie marine.