Il est amusant de retirer de la bassine d’eau douce la plaque de glace qui s’est formée en surface. Elle est si régulière qu’elle ressemble à une vitre, mais si le gel continue, il se forme sous la surface de glace un ensemble de lamelles enchevêtrées qui se cassent facilement Progressivement ces lamelles se multiplient et s’épaississent.
La glace est moins lourde que l’eau et donc flotte en surface.
L’eau de mer ne prend en glace que lorsque sa température descend en dessous de -2° C environ. La glace qui flotte reste bien sûr en surface et sous la surface gelée se forme aussi des plaquettes enchevêtrées.
On peut constater que la glace de surface et les plaquettes, ne sont pas salées.
La glace marine est donc de l’eau douce gelée.
Le sel a été éliminé et l’eau de mer qui se concentre sous la surface gelée, devient lourde. C’est une saumure qui coule vers le fond de la mer. Pourtant, une partie de la saumure est maintenue dans les espaces vides de l’enchevêtrement de plaquettes de glace. Ce sera d’ailleurs un milieu propice au développement d’algues (les algues de glace) lorsqu’il y aura assez de lumière, puisque les sels nutritifs y sont plus concentrés que dans l’eau de mer voisine.
Si la mer est très agitée la plaque de surface et les plaquettes sont sans cesse détruites morcelées. On ne voit alors que quelques glaçons agités par la houle ou les vaguelettes. Puisqu’il fait très froid, les glaçons qui flottent ne disparaissent pas mais s’accroissent par extension des plaquettes de glace tout autour d’eux, en formant des sortes de petits radeaux de glace plus ou moins ronds.
Ces radeaux de glace qui parsèment la mer ressemblent à des crêpes flottantes (pancake ice). Bien qu’ils s’accroissent sur les bords, ils sont maintenus séparés par l’agitation de la mer.
La température toujours négative et quelques jours de calme conduisent à un gel soudain de toute la surface de la mer. Les pancakes sont alors soudés dans la couche de glace qui s’est formée. C’est ce qui se passe dans les baies abritées du vent. Dans ces conditions, les navires sont prisonniers de la banquise pour tout l’hiver polaire. Les ours peuvent alors s’y promener et chasser le phoque.
Au printemps, lorsque la température s’accroit la glace se morcèle sous l’effet de la houle. Les petits morceaux de banquise que l’on voit pendant la débâcle des glaces ne sont pas arrondis comme des pancakes mais très anguleux comme des morceaux de vitres brisées.
Paul NIVAL, Professeur émérite d'Océanographie Biologique à l'Université Pierre et Marie Curie